Arrivée d'une excentrique

Me voilà donc enfin à ce fameux Manoir… Il n’est pas aussi lugubre que l’on me l’avait décrit, mais bon, je suppose que les gens aiment donner un côté dantesque aux choses. Je tire ma valise derrière moi en observant les lieux, déjà je remarque que plusieurs corbeaux se nichent dans les arbres, ce qui me rassure : Cactus ne se sentira pas seul au moins. Le Manoir a belle allure, et semble assez grand, j’espère que l’intérieur en imposera tout autant.
Je m’avance vers l’entrée en observant les alentours et une fois devant la grande porte, je toque énergiquement jusqu'à ce que l’on vienne m’ouvrir, tout en gardant un sourire aux lèvres. J’ai remarqué un jour que lorsque que l’on frappe en continue, les personnes ouvrent plus vite.

Cela doit faire une bonne dizaine de minutes que je bourrine la porte en attendant que l’on vienne m’ouvrir. Qu’est-ce que les gens sont longs à venir parfois ! En plus je commence à avoir froid… Devrais-je essayer autre chose ?
Réfléchissons… je pourrais commencer par arrêter de frapper… Ouais, ça serait un bon départ.
J’arrête le processus d’appel et recule un peu pour observer une nouvelle fois la façade. Peut-être que tout le monde est en train de faire la fête et que personne n’entend ? Je vais appeler pour voir, et s’il n’y a pas de réponse, j’entre.
- Ohééééééééé ! Y-a quelqu’un !?
J’attends quelques instants. Pas de réponses.
Bon tampis, je vais entrer. Et moi qui voulais être polie, c’est bien là peine de prendre des cours d’éducation en société si il n’y a personne pour les mettre en pratique ! Alors… par où passer ? Peut-être que cette fenêtre est accessible ? On va essayer, vu que passer par la porte n’est pas possible.
Je commence donc à escalader la façade, le tout en essayant de monter ma valise. Il fait plutôt froid maintenant et mes mains accrochent mal la pierre mais j’ai presque atteint la fenêtre ; après tout ce que j’ai fait pour venir ici, je ne vais pas abandonner pour une porte qui ne s’ouvre pas !
Je mets en pratique l’entrainement physique que j’ai acquis et pousse sur mes bras et mes jambes pour me hisser plus haut.
Ca y est, je peux enfin saisir le rebord ; mais voilà qu’un nouveau problème s’impose : avec ce froid, il fallait s’attendre à ce qu’elle soit fermée. Je me retrouve donc à plusieurs mètres du sol, accrochée à un mur devant une vitre fermée, le tout dans le froid.
Bon eh bien… il ne reste qu’une solution : Je vais toquer à la fenêtre.

J’avais à peine commencé à frapper à la vitre qu’une voix au sol m’interpella :
"Je vous félicite pour votre prouesse physique mais alors ... dégagez immédiatement du mur du Manoir ! Bordel !"
Eh bien, je sais maintenant que toquer aux fenêtres est bien plus productif que bourriner les portes ! N’empêche je suis satisfaite, le type d’en bas est content de ma performance ahah… bon par contre il est mignon lui, mais que je descende,  ça va être un peu compliqué là, en plus il pourrait me parler plus gentiment.
Bref, comment faire ? Et puis j’ai ma valise là… Pff la galère.
Je baisse la tête vers le sol et remarque l’aura étrange de l’homme. Je ne sais trop quoi en penser mais peut-être qu’il a des pouvoirs ? Ça m’arrangerait bien vu que les miens ne fonctionnent qu’une fois sur dix…
Ma valise commence à tirer sur mon bras et ma main sur le rebord accroche mal, en gros j’ai intérêt à agir vite si je ne pas être prise au dépourvu… Franchement, il aurait pu me faire rentrer par la fenêtre, surtout qu’elle est accessible quoi…
Je baisse à nouveau la tête vers le type en bas et remarque son air profondément consterné. Oui bon c’est vrai que je prends mon temps, je vais lui proposer un truc. Je me tourne encore un peu et lance :
« Hum, dites, si je lance la valise, vous la rattraper ? Nan parce que pour descendre ça va être compliqué quoi… Sinon je… KYAAAAAA !!! ».
Le cri est parti d’un coup, lorsqu’en me penchant un peu trop, le poids de ma valise a fait déraper ma main sur le rebord. Bon il est vrai que ce cri est pour le moins pathétique mais… Aah ! Mais je tombe là !!!

Je dois avouer que j’ai de la chance dans mon malheur, car le type d’en bas a réussi à me rattraper à temps. D’habitude lorsque je tombe après des escalades comme ça je me retrouve à l’infirmerie ou à l’hôpital…
Il me repose immédiatement à terre, comme si me porter lui posait problème… Aurais-je un quelconque souci de poids ? C’est vrai que je devrais arrêter la glace à la menthe le soir.
Je me retourne donc tout d’abord vers lui avec un immense sourire, mais je n’ai rien le temps dire que déjà il m’annonce :
"Si tu penses que je vais t'aider pour tout ce bordel ... Tu as faux ".
Le tout avec un très large sourire. Mais j’ai du mal à l’interpréter, pourquoi me sourit-il comme ça, s’il ne veut pas m’aider…
Il est bizarre, on sourit pour signifier aux gens que l’on est content non ? Peut-être qu’il ne savait pas quelle tête prendre et que pour ne pas me faire peur il a souri ? Ouais ça doit être ça.
Bon sinon, de quel « bordel » il parle ? Je me retourne un peu et vois mes affaires étalées un peu partout. Ah, ouais quand même. Tu m’étonnes qu’il ne veuille pas. Moi non plus j’ai pas envie de ranger… en plus elle était chargée à bloc cette valise, c’est un miracle si tout est rentré… Et mais, j’avais pas des trucs importants dedans ?
Bon, les sous-vêtements en dentelles et autres vêtements à la limite ça va, mais…
« - NOOOOON !!! Mon vase de chine ! J’ai mis super longtemps à le trouver !! »
Criais-je en regardant le vase éclaté par terre. Oh zut, comment je vais faire…

J’observe le reste des dégâts et me mets à chercher mes autres trésors en ignorant totalement la présence de mon « sauveur ». Dans l’ensemble on dirait que rien d’autre n’a été cassé, hormis la fermeture de ma valise qui a explosée… Je savais bien que c’était de la camelote ce truc.
J’ai la méga flemme de tout ranger mais il fait froid et j’ai envie d’entrer, du coup à l’aide de deux-trois coups de pied je remets mes habits dans la valise et met le vase par-dessus. J’enlève ma ceinture et l’utilise pour remplacer la fermeture cassée et observe le résultat.
Ouep, pas trop mal… Eheheh une vraie McGyver !
Je me retourne finalement avec un grand sourire vers l’homme qui attend derrière moi, et remarque son drôle d’air. Quoi encore ?
Et mais au fait, c’est qui ce type ? Autant demander… Alors si je me souviens bien, il faut que je me présente avant, et qu’ensuite je lui demande… aller, plus de gaffe maintenant Ellie ! Et garde le sourire!
« Re-bonjour Monsieur ! Euh… Merci pour m’avoir rattrapé, ahah, pas très accessibles vos fenêtres en tout cas ! Hum… Ah oui ! Je m’appelle Elettra Devan, j’aimerais bien squa… euh étudier dans ce manoir, parait que c’est une école… Hum, j’ai oublié un truc je crois… ah c’est vrai ! Vous êtes qui au fait ? »

"Je suis le Gardien de ce Manoir, Rafiel Diptucyn. Je décide qui rentre et qui ne rentre pas ... Et toi ..."

Le Gardien du Manoir ? Mais c’est MEGA COOL !!! Ahah, je pouvais pas mieux tomber ! En plus il m’a l’air bien sympa ce type ! Donc, il gère ce qui rentre et qui sort du Manoir ? Super, il semble compréhensif comme gars, je suis sure qu’il me laissera faire mon « job » tranquille.
Hey, mais pourquoi il part là ? J’ai dû manquer un truc… Mais qu’est-ce qu’il fait ? Pourquoi il ne dit rien ?

"Toi, tu me suis."

Hein ? Bon ok, si je peux entrer c’est déjà un bon point. Je le suis donc en faisant de petits bons et en tirant ma valise cassée, le tout avec un large sourire satisfait.
Voyons, comment amener le sujet ? Le tout c’est de le faire avec subtilité ! Déjà, pas de familiarité ; vu comment ça finit la plupart du temps. Mince… comment il s’appelle déjà ? Zut, j’ai vraiment pas la mémoire des noms…

En rentrant dans le bâtiment, bien que réfléchissant à mon plan stratégique commercial, je ne peux m’empêcher d’observer la décoration intérieure. Plutôt chouette comme endroit, bien entretenu, avec du matos sympa ; par contre c’est trop silencieux…
Le Gardien me mène à travers les couloirs en marchant à bonne allure, pas facile à suivre celui-là ! On dirait presqu’il fait exprès… Et on va où au fait ? Bref, ce n’est pas tout mais il faut que j’amène mon business.
- Dites, euh… Truc, enfin Monsieur le Gardien ; c’est bien vous qui gérez toutes les entrées et sorties ici ? Nan parce que, voyez, j’ai remarqué un jour que c’était pas toujours facile de faire entrer des objets dans les internats, du genre les gens qui veulent faire un cadeau de dernière minute et pouf ! Ils ne peuvent pas sortir ! Du coup je me disais, vu que j’ai un « job » qui consiste justement à récolter des objets pour les gens, il y aurait moyen que vous… disons, que vous ne fassiez pas la douane ? Je suis sure que ça vous est déjà arrivé ! Je sais que moi par exemple, si un jour je suis en rade de bière, j’aimerais bien, que quelqu’un me dépanne… Monsieur ?
J’ai réussi à faire mon speech sans que mon interlocuteur m’interrompe, mais maintenant je commence à me demander s’il m’a écouté. D’ailleurs, il est trop silencieux là. Vous savez : trop.

Garder mon sérieux lorsque que le gardien me donne sa réponse est une chose extrêmement difficile tant j’ai envie de crier de joie. Je savais bien que ce gars était du genre compréhensif ! Eheheh, enfin, ne perdons pas de vue qu’il s’agit de mon business, se faire des alliés tel que lui est primordiale.
Je lui réponds sans tarder, avec un sourire entendu.
« Mais bien évidemment, cela va de soi. C’est vous le Gardien après tout… Pour ce qui est des… taxes...C’est le métier j’ai envie de dire... »
Il a le sourire du type qui vient de faire une bonne affaire et je ne peux m’empêcher de penser que même s’il prend un air de snob quand il parle, au fond ça l’arrange bien de pouvoir « commercer » avec moi.
Apres tout, c’est le genre de services qu’il est rare de refuser… Enfin, je suis plutôt contente, au moins je ne vais pas devoir travailler en douce ! Et il ne me reste plus qu’à me faire de la pub, eheheh…
Bon, maintenant que ce point est réglé, j’aimerais savoir où il m’emmène quand même…

Une fois l’affaire conclue, le Gardien me mène à travers les couloirs et nous montons quelques étages.
J’ai un peu de mal à tirer ma valise puisque celle-ci semble sur le point de se désagréger complètement… D’ailleurs je crois que quelques affaires sont tombées en cours de route. Bah, personne ne ramasserait des sous-vêtements  de toute façon, je n’ai pas à m’en faire, je pourrais toujours les récupérer après. Et puis c’est toujours du poids en moins à porter pour monter les marches.

Le temps que je gravisse les marches avec mon paquetage, mon guide a pris de l’avance, et je le retrouve devant une porte ouverte, visiblement en train de m’attendre. Une fois à sa hauteur, je remarque qu’il s’agit d’une chambre, déjà occupée.

La pièce est assez spacieuse, et deux lits se font face, tant mieux, je n’aime pas les lits superposés. La fenêtre au fond éclaire bien l’espace et les étagères semblent pouvoir accueillir par mal de choses. Je remarque que l’espace occupé par ma future camarade est soigné et parfaitement ordonné, un peu comme l’était celui d'Alana en fait.

Tant mieux, elle me motivera surement à faire des efforts, qui sait ? Sinon, en général, la pièce me plait beaucoup ; j’y dépose ce qui reste de ma défunte valise et me tourne vers le Gardien… condamné à toujours être nommé ainsi vu que son nom ne me reste pas.
De nouveau toute excitée, je souris et me mets à babiller :


Je prend bien soin d'appuyer ma dernière question d'un grand sourire, et pousse négligemment ma valise du pied en attendant les réponses.
C'est pas que, mais ça m'a donné faim tout ça!